Thursday, February 07, 2013

 

I would have liked this musical to be an echo of Trenet's time.


CHARLES TRENET – JEROME SAVARY – Y’A D’LA JOIE§ … ET D’L’AMOUR

Grand spectacle pour grand poète, c’est sûr. Les chansons s’enchainent avec brio et la mise en scène est époustouflante en jardin extraordinaire et en rivage méditerranéen. Les provocations visuelles des acteurs multi-polyvalents qui font les faunes autant que les diables, les travelos autant que les transgéniques, sont ce qu’ils doivent être, enivrants. La musique est fortement allègre et joyeuse, comme il se doit. Ce spectacle a retrouvé ce que j’appellerai l’esprit de Charles Trénet, un esprit qui visait d’abord et avant tout à faire plaisir, à donner confiance tant dans l’avenir que dans le présent. Et pourtant il y a un Trénet qui n’est pas présent, un Trénet d’une autre dimension. Il manque l’âme de l’artiste.

L’âme de l’artiste c’est son ancrage dans la réalité de son temps et dans l’horreur et la souffrance de son temps. Le spectacle commence avec les congés payés sans vraiment montrer ni le drame qui les a amenés, une grève générale sans précédent, ni le drame qu’ils présagent, une guerre effroyable que le Front Populaire qui n’avait pas les congés payés à son programme prétendait vouloir empêcher, comme si on empêche l’orage. On n’a jamais eu l’orage et une crevaison n’est vraiment pas le drame de Munich.

Trénet a traversé son époque qui se centre sur la deuxième guerre mondiale puis sur la guerre froide et les guerres coloniales, et rien dans ce spectacle ne donne à entendre les cris de douleur que l’on trouve chez Trénet, même si souvent cachés sous le fringant et le rutilant d’un spectacle qui sonne faux tout en chantant juste. Comme si le jardin extraordinaire n’était pas un refuge, un cache-misère, un paradis artificiel. Et quel refuge, quel cache-misère, quel paradis artificiel il était, ce jardin extraordinaire, au cœur même de l’horreur sans égal.

Que Jérôme Savary ait voulu ne faire qu’un spectacle distrayant, facile, léger, emporté, sans pourtant se laisser emporter vers l’autre face de la lune, soit. Mais je dois dire que cela me laisse un peu froid. J’attendais plus d’un artiste qui a bercé mon enfance et dont le goût aujourd’hui est à la fois la joie de vivre au cœur d’une misère à pleurer. On a la joie mais pas la misère et la joie en perd tout son goût, toute sa valeur. Ce n’est que le contraste qui peut rendre à Trénet sa force.

Il était la force qui permettait aux hommes et aux femmes de son époque d’affronter l’effroyable malheur qui inspirait une effroyable haine et un besoin sans fond de travestir et de grimer cette souffrance en plaisir exquis qui ne niait pas la mort mais la trompétait haut et clair comme le son du cor au fond des bois annonce l’hallali qui va tuer la biche éperdue et le cerf traqué par les chiens de la meute politique. Walt Disney, lui, nous produit Bambi qui fait pleurer tant de la beauté de la vie que de l’horreur de la chasse et du feu que les hommes imposent à l’adorable jeune daim ou chevreuil.

Encore aurait-il fallu que l’horreur soit au rendez-vous comme la lune voulait y être.

Dr Jacques COULARDEAU




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