Saturday, July 27, 2013

 

Musique d'Afrique et Musique mexicaine, deux bouts de la conquête transatlantique

MADOU DJEMBÉ – PERCUSSIONS D’AFRIQUE

Les percussions africaines sont une planète sonore à part et un monde en soi. Ce que la musique africaine a inventé et est presque la seule à avoir inventé, c’est la polyrythmie. La musique africaine est fondée sur les percussions comme aucune autre musique au monde et la seule diversité que cette musique pouvait développer c’était la diversité des percussions à deux niveaux : les sonorités de chaque instrument et les rythmiques que chaque instrument ou chaque main sur chaque instrument ou chaque main ou paire de mains des divers instrumentistes sur les divers instruments qu’ils utilisent simultanément. Cela donne la polyrythmie africaine. Aujourd’hui cette polyrythmie s’est développée du fait de la traite des noirs et de l’esclavage. Les esclaves noirs ont conservés contre vents et marées, contre toute persécution cette polyrythmie qui faisait partie de leur chair, de leur fibre plus que toute autre chose.

Cela a donné deux grands types de musique aujourd’hui devenus universels. D’une part la musique noire et depuis cinquante ans au moins blanche de l’Amérique du Nord. Certains de ces genres musicaux ont parcouru le monde entier et se sont installés pour toujours dans la planète musicale mondiale. Le gospel, le jazz, le blues, la soul en général, le rock and roll et tout ce qui s’en est suivi. D’autre part dans les Antilles et en Amérique du sud, particulièrement le Brésil où l’influence noire à été plus profonde qu’ailleurs, la musique latino américaine dont certains styles sont eux aussi devenus universels : rumba, particulièrement et quelques autres, mais pas le tango qui lui a une origine espagnole. La forme la plus novatrice et toujours novatrice est bien sûr la musique jamaïcaine, et en particulier le reggae et les autres formes de cette musique avant, autour et après le reggae, qui d’ailleurs n’est pas fini.


Ceci étant dit il est nécessaire de revenir aux sources africaines pour voir toute la richesse que ces percussions peuvent avoir dans le continent et dans les cultures qui les ont produites. Et ce disque est une véritable académie, une vitrine sans égale, presqu’une master classe. Bienvenue dans la planète des percussions africaines. Demandez-vous comment vous pourriez danser, comme le font les Africains, sur ces musiques. Vous pouvez choisir un des rythmes modérés et danser une danse calme et qui ne prend ni vitesse ni excès. Mais vous pouvez aussi suivre un des rythmes plus rapides et alors vous allez pouvoir monter progressivement vers des rythmes de plus en plus rapides et qui vous mèneront à la transe de ce que l’on appelle le vaudou, et que l’on devrait appeler le vodun, musique, danse et religion d’origine traditionnelle africaine et qui se fonde sur ces rythmiques. Le prêtre, l’officiant, voir les participants en général se laissent aller à ces rythmes rapides et passent de l’autre côté du miroir, avec ou sans l’aide de rhum ou d’alcool de palme.


L’alcool n’est en rien une obligation puisqu’il suffit de suivre une rythmique rapide pour arriver à ce niveau de la transe où le corps tout entier se fond dans cette rythmique et tous les rythmes vitaux du corps s’alignent sur cette rythmique rapide, des pieds à la tête en passant par le cœur, le cerveau et les autres organes à rythmique interne..

Ce disque est un excellent exemple de cette culture originale qui est devenu une norme universelle dans toute la musique amplifiée et même au-delà.

Bonne écoute

Dr Jacques COULARDEAU



LA HUASTECA – DANSES ET HUANPANGOS – Mexique

Cette musique qui concerne un territoire et une population couvrant ou occupant l’ancien domaine Maya n’est en rien une musique qui remonte aux formes les plus anciennes de culture maya, pas le moins du monde. Il s’agit d’une musique qui s’est construite sur plusieurs siècles après la conquête espagnole mais on doit comprendre qu’un siècle après, à la fin du seizième siècle quatre-vingt-dix à quatre-vingt-quinze pour cent de la population originelle indienne avait disparu par massacre, par torture, par maladies ou simplement de faim.

Cette culture est dont typiquement mexicaine, le Mexique ayant conquis son indépendance de l’Espagne en 1810, déclaration d’indépendance, et effective en 1821. La culture mexicaine est une création originale qui mêle les traditions chrétiennes, les traditions espagnoles ou ibériques, et quelques formes qui se développent dans les Antilles, bien que l’influence noire sera très réduite puisque le Mexique ne compte pas de vaste héritage démographique africain, les esclaves noirs ayant été exclus très vite..


Vous reconnaîtrez des instruments typiquement européens, d’autres qui sont d’origine locales ou bien des instruments qui ont été modifiés localement, mais à la différence de la musique sous influence noire en Amérique du Nord il n’y a pratiquement pas de polyrythmie, même si la ligne mélodique semble plus rapide, en fait ce n’est qu’une illusion la rythmique de base en arrière et la rythmique de la mélodie en avant sont strictement réglées sur les même temps forts et donc sont équivalentes, au point devenu plutôt mécanique et lassant comme dans les pistes cinq à huit, Danza de Moctezuma.

Le nom peut faire penser à l’empereur aztèque auquel il réfère, mais nous n’avons aucun véritable élément pour dire que c’est un héritage direct et fidèle de la musique des Aztèques d’avant la conquête. Il est sûr que c’est une musique très répétitive. On notera la mention de Malintzin, plus connue comme La Malinche, présentée dans la notice comme l’interprète indienne de Moctuzema alors qu’elle était la concubine et interprète de Cortès lui-même, et mère de son fils. On touche ici à un phénomène typique du Mexique, l’expulsion des références à la conquête espagnole alors même que la source principale de la culture mexicaine est la culture espagnole importée au Mexique du temps de la conquête.


L’association du violon, de la guitare quinta huanpanguera et de la guitare jaruna, qui ne sont que des guitares propres à la région, est typique des pistes neuf et dix par exemple. On voit bien là que nous n’avons que des instruments européens ou simplement modifiés localement. L’association du violon et des guitares est fort intéressante, mais en quelque sorte fortement espagnole de tradition. On reste donc dans les instruments à corde, frottées ou pincées. Cette formation est la base du trio traditionnel utilisé dans de nombreux morceaux de cette musique. Trio instrumental auquel s’ajoute des assemblages de voix variant d’une voix de femme (assez rare) et d’une ou plusieurs voix d’homme et de chœurs plus ou moins étoffés maos ne dépassant pas trois voix.. On notera que ces voix ne se définissent pas selon les registres européens. D’ailleurs quand Philippe Jaroussky a enregistré avec des chanteurs traditionnels d’Amérique latine, ceux-ci n’ont jamais fait un duo avec lui car les définitions de leurs voix n’étaient pas en accord avec celle de Jaroussky, alors même qu’une des voix était de toute évidence une voix d’alto masculin.

On notera aussi au niveau des voix que les voix de femmes sont très basses pour des voix de femme, au moins dans le registre des mezzo sopranos, sinon même un peu plus bas. Les voix d’hommes ici sont aussi assez basses plutôt dans le registre des barytons-ténors très proches en quelque sorte des voix de femme, avec utilisation assez fréquente de la voix de tête des hommes, que certains appellent voix de fausset, terme désagréablement péjoratif.  La marque la plus indienne de ces musiques sont certains titres qui sont en langues indiennes, par exempl la piste quinze en Nahuatl et pourtant dédiée à la Santa Maria de Guadalupe, cette Vierge locale qui a permis d’imposer la religion catholique et d’expulser toute survivance des religions indiennes.


Les pistes seize à dix-neuf ont une autre formation musicale avec un ensemble tamborcillo et akapitsali, donc instrument à vent local et tambourin lui aussi original. On revient ensuite au trio traditionnel, le Trio Tamazunchale, qui a trois voix d’homme qui jouent l’une comme l’autre sur un registre un peu plus élevé de quelques notes de fausset

Le trio suivant, Los Vaqueros de Temporal emprunte des pratiques instrumentales à une autre tradition, celle des xochisoneros qui donne une musique beaucoup plus répétitive de phrases musicales courtes.


Le style tamaulipeco classique donne une musique sensiblement différente mais à nouveau répétitive, bien que moins que le trio précédent, avec une utilisation systématique de la voix de fausset de l’homme en fin de chaque phrase musicale.

Et pour finir un trio plus traditionnel, Herencia Huasteca. Le voyage vaut le déplacement.


Dr Jacques COULARDEAU



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