Friday, August 28, 2015

 

Décevant et plus que surprenant: fast food plus que grande bouffe

SALIHA AZZOUZ – CONTACT LAW – 2015

Les Français enfin se mettent à publier des manuels d’anglais en anglais. Cela semble naturel, et pourtant cela est une innovation récente et les cours en anglais dans les universités continuent à défrayer la rumeur et les aigreurs de tous les professeurs d’université qui ne parlent pas d’anglais qu’un enfant auvergna t de trois ans. Cela ne concerne que l’enseignement supérieur évidemment. Dans ce cas précis cela concerne les études de droit. Et pourtant les éditeurs s’arrangent à mettre l’essentiel de la couverture et de la page de titre en français. Comme quoi on n’apprend pas à de vieux singes à faire la grimace.

Je vais me permettre quelques remarques dans le désordre, au fur à mesure de mon parcours de l’ouvrage. Je mélangerai sans vergogne le français et l’anglais.

Pourquoi page 7 y a-t-il une note en français dans le texte principal ? Cette note en plus est titrée de deux expressions latines que les Anglais, mais aussi les Américains, adorent. Les notes de bas de page sont des traductions mot à mot et font donc double emploi avec le « glossary » final. C’est pratique de ne pas avoir à tourner les pages, mais c’est mauvais mnémotechniquement et donc pédagogiquement car sans effort il n’y a pas d’acquisition. En rendant facile ce travail de traduction au lieu de compréhension qui doit à tout prix disparaître on l’encourage et donc le maintient, ce qui empêche l’acquisition des sens (au pluriel) des mots.

Si on considère ici le « Bilingual Glossary » je ferai plusieurs remarques.

J’aurais nettement séparé le « legalise » ou « jargon juridique » comme d’ailleurs elle en donne un exemple pages 53-55 pour tous les composés de « here », « there » et « where ». Mais pourquoi alors retrouver quatre de ces composés dans le glossaire : « here », « hereafter », « hereto » qui donne « the hereto parties », « heretofore », concernant « here » (plus quatre composés de « there » et aucun de « where ») alors que dans les pages précitées l’auteur donne 33 dérivés de ce genre construits sur « here », « there » et « where ». Remarquons qu’il y en a beaucoup moins en français qui soient de ce genre (« ci-après » et « ci-inclus »).

Mais pour revenir à l’anglais le glossaire a un défaut important. Alors que les adverbes sont dûment identifiés, les verbes ou les adjectifs ne le sont pas. Ainsi on a « claim » : faire une demande, donc verbe mais non indiqué soit par une catégorisation comme les adverbes (vb. Comme adv.), soit par la particule de l’infinitif « to ». La traduction est trop vague : c’est le terme qu’utilisaient les nouveaux arrivants dans un territoire ouvert aux Etats-Unis pour recevoir une parcelle de terre. On voit qu’alors le « Claims Office » dans la conquête de l’ouest a un tout autre sens non couvert ici avec toutes sortes de dérivés du genre « fraudulent claims » et « land claims ».

Ce manuel ne donne pas l’histoire des mots listés dans le glossaire. Et l’index ne permet pas de les retrouver dans le texte.

On a ensuite « claim » : réclamation. C’est un nom mais on voit tout de suite que la traduction est insuffisante et négative. Il faudra alors m’expliquer ce qu’est le « State Farm – claims office » de El Paso, Texas.


On a ensuite « claim » non marqué comme verbe bien que traduit par réclamer sans plus de précision. C’est insuffisant. “You can only claim what you are entitled to getting due to a contract you have signed, a license [note “licence” is not standard at all in American English either as verb or as noun.] you have duly acquired or a law that gives you some privilege or some right.” La traduction réclamer est beaucoup trop négative. D’où le dernier « claimant » : traduit par requérant est loin de la valeur de ce mot et un requérant est quelqu’un qui introduit une requête or « claim » n’a jamais été traduit dans ce glossaire comme signifiant requête, qui n’est pas une réclamation.

Notons en plus que le terme « claimant » en Grande Bretagne a un sens propre dans le domaine social ou syndical ou simplement professionnel : quelqu’un qui a un droit reconnu, quel que soit ce droit. Sous Margaret Thatcher il existait un « Claimants Union » pour s’opposer à sa politique et aujourd’hui des « claimants unions » se mettent en place localement. L’auteure me dira que ce n’est pas un manuel de droit social. Certes mais le droit social est fondé sur des pratiques contractuelles et légales, de code ou de jurisprudence que l’on appelle « common law » dans les pays anglo-saxons.

Dans ce glossaire il y a d’autres éléments surprenants. Par exemple « fee » au singulier n’est en rien un honoraire mais un tarif de service public ou privé comme le tarif des transports en commun, et encore de façon concrète : « Two pounds is the fee I paid from Westminster to Tooting Bec. » Pour des avocats, docteurs et autres professions libérales on emploie normalement le mot au pluriel « fees » sur le modèle j’imagine de « wages » et ce n’est pas le seul mot pour le français honoraires car il existe « An honorarium; a fee for services of no fixed value » généralement au pluriel, « honoraria » ou « honoraries » employé comme nom bien sûr car en adjectif il a un tout autre sens et ne prend pas le pluriel. Notez en plus que le « h » n’est pas aspiré en anglais pour « an hour », « an heir », « an honor », et « an honest man » ainsi que tous les mots commençant par « h » et ne portant pas l’accent tonique sur la première syllabe. Ici l’accent tonique est sur la première syllabe de « honorary » ou « honorarium » ou « honoraria » mais la racine est « honor » d’où la non aspiration de l’ « h ». Dans la législation et la réglementation des salaires, revenus et fiches de paye ce terme est standard. Et « fees » avec ce sens s’emploie au pluriel, bien que la plupart du temps « fees » fera alors référence au paiement d’un service non-libéral et qu’il peut alors s’employer au singulier.

La « Latin Contract Terminology » est une excellente idée mais largement insuffisante par rapport à la quantité d’expressions latines dans les procédures judiciaires, juridiques et contractuelles tant en Angleterre qu’aux Etats-Unis. Remarquons que l’expression latine employée page 7 « obiter dictum » n’est pas listée. La traduction de « quid pro quo » par contrepartie est insuffisante. C’est un terme latin qui remonte au Moyen Âge et donc à des pratiques féodales concernant la propriété mobilières et immobilières, sans oublier que la propriété mobilière comprenait le « chattel » c'est-à-dire tous les animaux domestiques ET les serfs.

L’index est beaucoup trop court (notons que le glossaire aurait du stipuler la première page ou chaque terme concerné était mentionné dans le texte) et donc insuffisant. Mais il lui manque trois pratiques contractuelles importantes, hélas me semble-t-il non abordées dans le texte, à savoir le copyright, les patentes (ou brevets) et la pratique de la vente ou la cession  ou la location sous licence. Dans ces domaines on a un discours mixte qui concerne la pratique contractuelle générale mais aussi la pratique spécifique de chacun de ces trois domaines.

Revenons maintenant à la structure des chapitres qui est la même pour tous sauf le troisième qui n’a pas ce que l’auteure appelle des « activities » et qui deviennent à la fin du manuel des « exercises » quand elle en donne la « key »  c’est à dire les solutions (p. 117) Ces « activities » sont toutes des exercices d’application du savoir donné dans les chapitres et en rien un travail de recherche par exemple d’une jurisprudence particulière ou d’une décision de la Cour Suprême spécifique. Les étudiants sont ainsi traités – et croyez-moi je le regrette et je sais que les étudiants le regrettent aussi – comme des machines à assimiler et non des moteurs de recherche (au singulier car il s’agit de faire de LA recherche). L’auteure dira que c’est le travail du professeur. Mais je dirai que c’est le manquement de l’auteure qui à chaque chapitre aurait du ajouter deux ou trois activités suggérées qui soient des activités de recherche et d’approfondissement. On n’a plus le droit de traiter – comme cela se fait toujours en France – les étudiants universitaires comme des bachoteurs de lycée, et croyez-moi que je regrette que les étudiants de collège et lycées soient traités comme de simple bachoteurs. On sait le ou les résultat-s qui s’ensuive-nt.


Notons uniquement pour l’anecdote qu’on ne peut pas simplement définir comme l’implique l’exercice page 15 le Commonwealth comme une simple « federation of states ». Le Commonwealth n’a rien à voir avec les pays qui se définissent comme des fédérations ou des états fédéraux : les Etats-Unis, l’Allemagne, ou la Fédération de Russie, sans parler de l’es-Yougoslavie. Une telle définition pose problème, mérite débat et je suis persuadé que ce terme serait mal reçu par beaucoup au Canada, en Australie ou en Nouvelle Zélande, sans parler des anciennes colonies qui ont conservé une attache très lâche avec la Grande Bretagne, comme par exemple le Sri Lanka. Les pratiques constitutionnelles sont des pratiques contractuelles que ce soit en contrats dits sociaux ou que ce soit en lois fondamentales.

La « Part 3 » est pratique mais réserve quelques surprises. Je n’ai en aucune façon l’ambition d’être exhaustif. Page 64 « shall » n’est pas défini. Je ne peux qu’approuver le conseil d’être très prudent, mais encore faudrait-il savoir le danger. « Shall » implique une prédiction future basée sur l’existence d’une loi, d’une règle ou d’une relation d’autorité. « Shall » n’exclut en rien le non respect de cette règle, de cette loi, ou de cette autorité. La désobéissance citoyenne est même un droit universel de l’ONU. « Shall » implique donc que étant données les réglementations ou les pratiques contractuelles courantes un certain agent est pronostiqué comme allant faire telle ou telle action et que vous devez vous attendre à ce qu’il le fasse. La limite courante à la première personne est bien sûr absurde, mais l’auteure ne semble pas faire cette erreur. Réfléchissons à des exemples comme : « Of course he shall do it because I say so. » Ou encore « you shall not kill. » Il est clair que dans ces deux cas « must » est impossible. Dans le premier cas il est Presque absurde. Il n’y a aucune obligation, mais il y a une acte d’autorité quasiment terroriste. Dans le deuxième cas ne pas le faire est défier l’autorité divine, ce qui représente tout au plus un manquement éthique. Parlez-en aux forces de police américaines qui abattent des jeunes noirs comme s’ils étaient des cancrelats. « Thou shall not kill », qu’ils chantent ensuite tous les dimanches dans leurs églises et leurs temples. Il ressort alors de ce chapitre que l’étudiant ne sait pas pourquoi il ne doit pas utiliser « shall » non pas parce qu’il n’a pas compris mais parce qu’on ne le lui a pas dit.

Notons que « must » implique une obligation qui s’applique au sujet concerné mais ce sujet concerné peut désobéir. Ce sujet conserve un degré de liberté. « Of course I mustn’t cross when the light is red but I have no time to waste, so I will go on doing it, and let the cop who can catch me give me ticket for jay-walking. » D’un autre côté « have to » ne saurait accepter un manquement. « OK, let’s talk but I must catch a train in twenty minutes. . . (fifteen minutes later) Well thank you for your opinion but now I have to catch my train. » Il n’est pas impossible de trouver quelqu’un qui vous dira: « Of course you must NOT do it, you could even say you shoudln’t do it, in fact you don’t need to do it, but you have to do it because you cannot evade my order and my presence. So just do it and stop bickering. »

Le « Grammar reminder » est une bonne idée.

Page 121 concernant les adverbes, « only » dans « only because » ne se rapporte pas à la conjonction ici de subordination mais à la subordonnée conjonctive complète. Non pas « the conjunction » mais « the conjunctive clause. » De même dans « only after » l’adverbe ne modifie pas la préposition mais le complément prépositionnel qui se compose normalement de la préposition « after » et d’une groupe nominal complet. Dans « You go only after him » l’adverbe s’applique à « after him ».

Page 124 « uncountable » est possible en anglais mais serait gênant en français car on ne fait plus la diffférence oralement entre un nom comptable et un non-comptable et cela entraine des erreurs. Je considère qu’il serait plus judicieux pour des étudiants francophones d’opposer « countable » à « compact ». Il manque cependant une catégorie de ces noms compacts : ceux qui désignent un processus, une procédure, une action, un phénomène parfois naturel comme dans : « Ø walking is important », « Ø nomimnalization is fundamental in all human articulated languages », ou encore « John put Peter under Ø constant pressure till the end of his exam. »

Cela implique d’ailleurs que pages 125-130 sur les articles il n’y ait aucun système et surtout que l’opération de généricité de la détermination de l’extension d’un nom ne soit pas explicitée alors qu’en français et en anglais elle s’applique de façon contradictoire comme dans « Je n’aime pas les chats » (pluriel défini) contre « I don’t like cats » (pluriel indéfini). Encore une fois le système est extrêmement formel dans les deux langues et on ne trouve pas cela dans ces pages qui sont une suite de cas particuliers.

Page 132 il y a une erreur de « typographie » qui produit un non-sens : « A judge might a order a contract to be . . . »

Page 135 une erreur magistrale est faites sur tous les nombres à partir de mille. Toutes les tranches de trois chiffres sont marquées par une virgule en anglais. L’auteure ne respecte pas cette règle pour un seul de ses exemples. Sauf pour les dates, toutes les tranches de trois chiffres sont marquées par des virgules. Notons d’ailleurs que pour la préhistoire quand on passe à 10,000 BCE et au-delà vers le passé on utilise normalement des virgules qu’on a pu éventuellmement négliger jusqu’à 9999 BCE. Cette faute est énorme car les Français utilisent la virgule pour les décimales et qu’entre 3,141 (three thousand one hundred forty one) et 3.141 (three point one for one) il y a le fait que le second est PI un nombre plus qu’important en mathématiques car il est en fait devenu de facto un concept, celui de la circularité des choses.

Il y a une erreur dans la façon d’écrire et de lire les dates. Les Britanniques ont des pratiques qui peuvent varier et ce que l’auteure en dit est juste mais il y a une erreur du côté américain : New York Times : Friday, August 28, 2015, The Guardian et The Financial Times ne donnent même pas la date sur leurs éditions virtuelles, The Times (London) donne Friday, August 28, soit la même chose que le New York Times. Si bien que quand l’auteure dit que les Américains sont spéciaux car pour « 2nd/2 June à the second of June, June the second » « ‘the’ is often omitted in American English » elle se trompe car en américain l’ordre standard est le mois puis le jour comme dans « 9/11 » qui ne saurait être le 9 novembre et qu’alors « June 2 » écrit dans cet ordre se lirait « June second » et même probablement « June two » et au-delà définitivement « June three. . . June twenty two. . . »

Enfin pour conclure page 171 dans les ressources je suis étonné qu’elle n’ait pas mentionné le US Code (http://uscode.house.gov/, notons d’ailleurs l’extension du domaine pour les sites gouvernementaux US qu’elle ne mentionne pas non plus), ni la US Supreme Court (http://www.supremecourt.gov/), ni le site de la Cornell University (http://www.lawschool.cornell.edu/) qui a un centre de ressources sur la loi sans équivalent, le Legal Information Institute [LII] (https://www.law.cornell.edu/) qui donne les lois et les décisions de justice avec commentaires faits par les professeurs de la Cornel University Law School.

Ce livre n’a pas de concurrent en France mais est loin de ce que l’on peut attendre d’un manuel universitaire de niveau licence-mastère car en anglais l’Internet regorge de ressources et avec LII de discussions et de questionnements de et sur ces ressources. Si l’auteure voulait amener ses étudiants à vraiment réfléchir et construire dans le domaine choisi elle suggèrerait tout un travail personnel d’étudiant sur la loi (constitutionnelle, commune et de code) et toutes les procédures de niveau au moins fédéral et de Cour Suprême sur les conflits contractuels concernant le copyright, les patentes (ou brevets) et les licences de session quelles qu’elles soient. En fonction du niveau des étudiants il suffit de concentrer sur un cas particulier, une décision qui fait jurisprudence particulière ou une décision de la US Supreme Court pour vraiment permettre à tous d’avancer de L1 à M2.

Si j’avais un conseil à donner aux étudiants je suggèrerais qu’au lieu de dépenser 19 euros sur ce manuel (que les étudiants peuvent acheter à trois ou quatre) ils feraient mieux de consacrer au moins huit heures par semaine à travailler sur les ressources de la Cornell University, voire les MOOC dans le domaine, et en anglais bien sûr pour à la fois pratiquer l’écoute et la lecture ou l’écriture.

Dr Jacques COULARDEAU



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