THÉÂTRE COMPLET DE M. DE
VOLTAIRE, CONFORME À LA DERNIÈRE ÉDITION, ROME SEPTIÈME – FACSIMILÉ PAR ULAN
PRESS
Une seule remarque formelle : il manque quatre pages (126-127 et
134-135) et une page et totalement illisible (350).
VOLTAIRE – L’INDISCRET – 1725
Petite pièce mignonette mais cruelle qui serait du boulevard grinçant
aujourd’hui par les temps qui courent. Le portrait est à la hache dans un bois
si tendre qu’il en tombe en miettes. Un pauvre jeune homme de bonne société,
courtisan qui plus est ne sait que se vanter de ses petites amours auprès de ceux
qu’il appelle ses amis, alors qu’il ne les connaît pas.
Bien sûr, se vantant de sa dernière amourette, qu’il dit être sérieuse,
pour une veuve – bien dotée bien sûr – auprès de gens qu’il dit être des
confidents alors qu’ils sont des concurrents, il se trouve gros jean comme
devant, perdant par devant et par derrière, floué et même un peu plus,
quasiment sentimentalement violé, par ces compétiteurs tricheurs mais qu’il a
littéralement et abondamment arrosés de toutes les munitions dont ils avaient
besoin pour le mettre à plat, le liquider, le mitrailler au point d’en faire de
la charpie.
Il est peut-être indiscret, mais il est surtout bête à lier. Il ne sait pas
choisir ses amis et il ne sait pas évaluer le niveau de confidence et de
confiance qu’il peut investir dans des connaissances en définitive accidentelles,
de complaisance et sans la moindre profondeur. Plus idiot que moi, tu meurs.
Et mourir il doit, seul, abandonné, vilipendé et simplement rejeté par la
bonne société, qui de toute façon est la mauvaise puisque aristocratique et
courtisane. Mais ne nous y trompons pas : ce n’est qu’une question de
hiérarchie. Si vous êtes en haut tout au sommet vous pouvez révéler tout ce que
vous voulez sur qui que ce soit, même bien sûr et surtout des calomnies
fieffées. Si vous êtes ne serait-ce qu’un cran plus bas le sommet vous
rejettera car vous devenez dangereux pour leur prestige en osant faire ce que
eux seuls sont autorisés à faire et la masse soutiendra cette élite car la masse
est par définition acquiesçante et elle trouve la mise à l’index, le pilori et
l’exécution publique (la roue comme pour Jean Calas) des plus amusantes. On rit
toujours des malheur des autres ne serait-ce que parce qu’ils sont un cran plus
haut que vous. Cela comme flatte leur amour propre.
Dr Jacques COULARDEAU
VOLTAIRE – L’ENFANT PRODIGUE –
1736
Voltaire est un obsédé de la Bible et de la religion chrétienne qu’il
n’arrête pas de réécrire dans ce qu’il considère sa pureté car les hommes n’ont
selon lui jamais fait qu’abuser de cette religion divine, la pervertir, la
vilipender. Pour lui la religion chrétienne – mais surtout pas la juive et
encore moins la musulmane – est la seule religion vraie avec le seul dieu
unique vrai. Il se veut tolérant pour les autres à condition que les autres
respectent la loi de l’État, de la majorité et les souverains qui règnent sur
notre bien commun qu’est la patrie. Cependant le terme et le concept de citoyen
sont totalement marginaux dans une vision politique qui fait que nous sommes les
sujets de nos souverains et que nous n’avons aucun droit de rébellion, de
soulèvement, de mouvement de masse. Seule la raison des philosophes peut
éclairer ces souverains et permettre ainsi l’évolution de la société et des mœurs
dans le bon sens qui est essentiellement vu comme un adoucissement.
Ce décor étant planté la réécriture de cette parabole biblique est des plus
touchante.
Fini le travail et le labeur qui a permis l’accumulation de biens dans la
famille, une seule famille. On a deux familles, toutes les deux richement
dotées de biens, de terres ou simplement de liquidités. Quant à savoir
l’activité qu’ils peuvent bien faire, nenni, pas chez Voltaire. Mais le fils
prodigue qui revient ne sera pas reçu par le festin du cochon (pas cachère) ou
du veau (bien cachère) que l’on tue, car dans cette maison il n’y a pas de
cochon ni de veau (adieu veau, vache, cochon, couvée…) qu’on élève et qu’on
engraisse. Alors il ne pourra être reçu que par la livraison d’un banquet par
quelque traiteur de cour si possible venu de la grande ville en fiacre.
Deux familles, avec deux fils d’un côté et une fille de l’autre. Des deux
fils l’aîné est le fils prodigue qui bien qu’amoureux de la voisine casse tout
pour aller semer son ivraie dans des terres sauvages, pour aller s’enivrer
d’alcools et d’amours tout aussi sauvages, toutes aussi sauvages. Les deux
pères, notons qu’il n’y a pas de mères, syndrome courant chez Voltaire
semble-t-il, comme celui d’un fils et d’une fille à marier à toutes les sauces
même le smoins sacrées, decident de marier l’un son fils cadet doté d’un droit
d’aînesse par défaut de l’aîné réel, et l’autre sa fille qui n’aime absolument
pas ce fils cadet fait aîné, surtout qu’il est de noblesse de robe, il est
président de je ne sais quelle cour de justice ou parlement à Angoulème ou
quelque part dans cette région, entre Bordeaux et Cognac. Er en plus il est un
fat jusques et y compris dans son nom qu’il porte fièrement puisque c’est
Fierenfat.
Bien obligée d’obéir elle rate cependant le coche juste à temps, une heure
avant les noces, parce que le vrai aîné débarque avec un confrère de misère ancien
valet pour prendre du service chez l’un ou l’autre des deux pères.
Reconnaissance, ébullience, effervescence, excitation et révolution. La fille
retombe amoureuse du vrai aîné contrit et repenti. Le cadet repassé d’aîné à
cadet en est tout confus et contusionné et tout finit pour le mieux dans le
meilleur des mondes. Les deux pauvres hères qui arrivent errants dans cette
ville de province avaient même envisagé de redevenir des paysans et de gagner
leur pain à la sueur de leur front et à la force de leurs poignets en cultivant
non pas leur jardin puisqu’ils n’avaient rien, mais les champs de quelque
hobereau ou seigneur plus ou moins féodal. Candide toujours à fleur de peau.
« Vois-tu d’ici ces gens dont la fortune
Est dans leur bras ; qui, la bèche à la main,
Le dos courbé, retournent ce jardin ?
Enrôlons-nous parmi cette canaille ;
Viens avec eux, imite-les, travaille,
Gagne ta vie. » dit Jasmin, le valet abandonné.
Et Euphémon-fils, le cadet ruiné, amplifiera immédiatement la
« canaille » en « ces vils humains, moins hommes
qu’animaux ». Qui peut dans le domaine du mépris social dire plus ?
Mais ne croyez pas que tout cela est gratuit. La philosophie parfois
perverse de Voltaire suinte entre certains vers qu’il dit de cinq pieds alors
qu’ils sont de dix syllabes, comme par exemple :
« Oui je suis las de tourmenter ma vie,
De vivre errant et damné comme un juif ; » dit Jasmin, encore
lui.
Et surtout sans majuscule sur Juif, et ça c’est Voltaire ou les imprimeurs
de son temps.
Est-ce que cette réécriture mélodramatique à fin heureuse et donc
dramati-certainement-pas-tragi-comique de la parabole biblique apporte quoi que
ce soit ? J’en doute fort et ce ne serait même pas du bon boulevard même
dans les théâtres de poche de Montparnasse et même en considérant la veuve
éconduite qui court après le Président du parlement de Cognac. A quand la
réécriture de la Nativité en comptant et décrivant les contractions de la
pauvre Marie ? Surtout que dans ce domaine des mariages de convenances et
de profits Molière a déjà donné et beaucoup mieux.
Dr Jacques COULARDEAU
VOLTAIRE – LA PRUDE - 1747
Malgré ses protestations en introduction que sa pièce n’est qu’une pâle
traduction ou adaptation de la pièce « The Plain Dealer » de William
Wyncherley – qu’il écrit avec une faute
d’orthographe ? qui se comprend d’ailleurs en ces temps-là où
l’orthographe y compris des noms propres était aléatoire – sa pièce est de
lui-même si elle est un plagiat et je serais fort d’accord qu’elle est un pâle
plagiat.
Le titre réfère à la femme centrale de la fable qui se prétend une prude
pour mieux couvrir ses malversations qui sous le couvert de pruderie joue de
libertinage pour simplement exploiter avec celui avec qui elle a un contrat de
mariage – cassable il est vrai mais qui ne le sera pas, cassé bien sûr – les
hommes imbéciles qui tombent dans ses rets. Ils y perdent du temps, de
l’honneur et tous les biens qu’ils peuvent confier à cette prude perverse.
Ainsi elle entretient, mais aux frais des entretenus, une cour d’amoureux
et de victimes. Elle a un contrat de mariage (promesse qui peut être rompue)
avec un « cassier » que l’on comprend comme étant un ancêtre des
banquiers ; elle entretient une liaison de précieuse intéressée avec un
Chevalier pour qui de toute façon ce sport courtois n’est qu’un sport et rien
d’autre ; elle flatte un autre homme, capitaine de vaisseau de commerce,
qui lui a confié tout son bien avant de partir sur son dernier voyage qui se
termine par la destruction du bateau par des pirates – tiens, tiens on dirait
Candide – et qu’elle envisage de voler hardiment ; et elle joue à l’amour
avec un jeune Turc, qui est en fait la nièce d’un autre personnage masculin
mais déguisée en garçon, et notre prude tombe dans le panneau jusqu’à la fin
malgré les révélations intermédiaires que ce garçon est une fille.
Pour compliquer la chose l’oncle de cette jeune fille est amoureux de la
nièce de notre prude, mais cela risque simplement de n’être qu’une amourette
distractive, et la jeune fille elle-même est amoureuse du capitaine qui est
amoureux de la prude et que la prude a décidé de plumer. La jeune fille, prise
jusqu’au bout pour un garçon, est celle qui va révéler à cet homme grugé que la
prude n’est qu’une grugeuse, si ce mot peut être inventé.
Il s’agit donc d’un plagiat mais à la sauce voltairienne, donc terriblement
appauvri, même si l’auteur plagié, William Wyncherley, dûment listé dans
Wikipedia, n’a rien pour rivaliser avec le dernier auteur dramatique sérieux en
Angleterre avant le 19ème siècle, à savoir Ben Jonson qui a fait
mieux, beaucoup plus fort et infiniment plus spirituel que notre prude de Voltaire.
Et nous ne dirons rien de Marivaux cent fois plus léger, subtil et fin.
Il n’en reste alors ici qu’une charge satirique contre la classe moyenne
supérieure de l’époque, les bourgeois juste en dessous de la noblesse, qui est
une classe sociale non reconnue et qui n’a qu’un but dans la vie, s’enrichir et
s’amuser sans rien faire pour gagner à la sueur de leurs mains les moyens de
cet amusement. L’intrigue est cousue de fil blanc et le déguisement de la fille
en garçon et en fille à la fin est risible mais non amusant. Ben Jonson et
« The Silent Woman » a fait cent fois mieux. Marivaux est aussi un
expert des déguisements, sans compter l’ancêtre de tous, Shakespeare. La
volonté de Voltaire de distraire la classe supérieure des nantis, nobles ou
non, avec les babioles comportementielles des nouveaux riches de l’époque est
devenue pitoyable aujourd’hui et absolument risible, sans le moindre plaisir de
ce rire qui n’est pas jaune mais totalement hostile.
Concluons avec la nièce de la prude qui déclare sans la moindre profondeur,
ni pudeur intellectuelle : « Point de mémoire est ma
philosophie. » Mais elle n’est qu’un personnage secondaire. Cependant
Dorfise, notre prude qui plus ets veuve, a de l’amant parfait une vision
idyllique :
DORFISE :
« Un ami tendre, aussi vif que prudent,
Qui possédât les grâces du jeune âge,
Sans en avoir l’empressement volage ;
Et je me trompe à votre air tendre et doux,
Ou tout cela parait uni dans vous. . .
Vous possédez aussi l’art de vous taire !
Ah ! vous avez tous les talents de plaire.
Jeune et discret ! » (Acte III, Scène 2)
Et tout cela dit à une fille que le texte prétend être de 18 ans, mais
aussi de moins de 18 ans, et que j’évaluerais plutôt aux alentours de 15,
déguisée en garçon et courtisée comme tel. Plus gay et plus pédophilique que
moi tu meurs, mais Shakespeare a tellement fait mieux, sans compter Marivaux.
Définitivement « Adin’, cachez ce sein que je ne saurais voir. »
Ou bien « Voltair’, cachez ce sex’ que je ne saurais
voir ! »
Dr Jacques COULARDEAU
VOLTAIRE – LA FEMME QUI A RAISON
– 1949
Petite pièce en trois faux actes qui eût du être en un (brouillon corrigé
dans les papiers de Voltaire) qui n’a que l’ambition d’être distrayante tout en
dépeignant une philosophie de la vie économique plus qu’économe, jouisseuse
plus que jouissive, matrimoniale plus que débauchée. Comment vivre heureux dans
la jouissance de son bien entre amis et en famille. Le confort et le plaisir
bourgeois en quelque sorte dans le mariage incontournable.
La fortune de la famille vient des Indes, sans que nous sachions de quelles
Indes il s’agit, par le père parti douze ans dans cette aventure. Il semble que
nous dussions comprendre qu’il s’agit des Indes occidentales, c'est-à-dire des
Antilles où le père serait allé faire fortune dans l’agriculture coloniale
fondée sur l’esclavage et le commerce des épices et denrées de luxe, le
célèbrte commerce triangulaire qui fit la richesse de Bordeaux, Nantes, Rouen
en France. Ce ne peut pas de toute façon être autre chose au milieu du 18ème
siècle.
La mère est restée derrière. Enfin et finalement une mère qui a le sens de
la misère d’où le couple et la famille sont sortis et le sens des affaires par
des placements judicieux et juteux des finances retournant du père. La mère
cependant est aussi judicieuse dans la gestion de la famille qu’elle dote d’un
hôtel digne de sa fortune avec du personnel, et dans la gestion de ses enfants
qu’elle dote d’une éducation décente mais il ne semble pas d’une carrière
vraiment époustouflante. On ne peut pas assurer la jouissance de la vie à des
jeunes gens en définitive désœuvrés et en même temps leur assurer une carrière.
Ils vivent donc des revenus des placements financiers faits par la mère et que
le père va simplement doubler en revenant. Deux millions c’est beaucoup et cela
doit bien rapporter quelques bonnes et trébuchantes dizaines de milliers d’unités
de la monnaie en cours à l’époque.
Mais Voltaire défend cette vie de placements financiers :
Madame DURU :
« On doit compte au public de l’usage du bien ;
Et qui l’ensevelit est mauvais citoyen ;
Il fait tort à l’État, il s’en fait à soi-même.
Faut-il sur son comptoir, l’œil trouble et le
teint blême,
Manquer du nécessaire, auprès d’un coffre-fort,
Pour avoir de quoi vivre un jour après la
mort ?
Ah ! Vivez avec nous dans une honnête
aisance.
Le prix de nos travaux est dans la jouissance,
Faites votre bonheur en remplissant vos vœux.
Être riche n’est rien : le tout est d’être
heureux. . .
Ne craignez rien, vivez, possédez,
jouissez… » (Acte III, Scène 5)
Et une variante supprimée est encore plus explicite sur cette moralité
bourgeoise avant même l’acceptation du terme dans le cadre d’un capitalisme pas
encore établi. Mais ce discours économique jouissif n’est pas l’intérêt de la
pièce. Ce qui en fait du théâtre c’est la situation hirsute composée par les
personnages.
La mère, Madame DURU, a deux enfants, un fils et une fille, comme il se
doit dans la tradition Voltairienne. Ces deux enfants devaient épouser les deux
enfants du « caissier » qui gère les finances de Monsieur Duru et sa
famille, à savoir Isaac Gripon, une fille et un fils bien sûr. Ce Gripon est un
peu fripon car il veut forcer la main à tout le monde sur la base du désir d’un
père bien lointain et ainsi marier un jeune homme à peine sorti de
l’adolescence à sa fille qui a 37 ans, ce qui est probablement ou à peu près
l’âge de la mère de ce jeune homme et un âge canonique à l’époque, un siècle
avant la femme de trente ans de Balzac. Le fils cadet de ce fripon Gripon doit
être en proportion, et bien sûr ces deux enfants arlésiens, puisqu’on ne les
verra pas, Philipotte et Philipot Gripon, n’ont pas de mère et n’ont pas de
profession détaillée, sinon que le fils prendra la succession de son père et la
fille est ménagère selon une morale de vie qui a peu à voir avec celle de
Madame DURU :
M. GRIPON :
« On se lève avant jour ; ainsi fait
votre père :
Imitez-le dans tout, pour vivre heureux sur
terre ;
Soyez sobre, attentif à placer votre argent ;
Ne donnez jamais rien, et prêtez rarement… »
(Acte I, Scène 5)
Digne morale de vie d’Isaac Gripon. Isaac, comme Isaac Newton, est un nom
biblique d’importance et Voltaire sait très bien ce dont il s’agit puisque les
Arabes de La Mecque se définissait dans sa pièce « Le Fanatisme ou Mahomet
le Prophète » comme fils d’Ismail, l’autre fils d’Abraham, le modèle même
du patriarche post-Noétique et post-Mosaïque, le patriarche qui obéit en tout à
dieu même quand ce dieu lui ordonne de sacrifier son fils, que ce soit Isaac du
côté juif ou que ce soit Ismail du côté islamique. Le nom n’est pas gratuit et bien
que Isaac Newton ne soit pas juif, le prénom qu’il tient de son père dont il
est orphelin à la naissance est-il un prénom juif ou simplement biblique et
quand on sait que Newton était un érudit hébraïque et Biblique, j’entends de
l’Ancien Testament, sans compter un historien fort lettré sur l’histoire du
peuple juif et du peuple d’Israël, on ne peut guère douter que Voltaire, qui
reconnaît dans son œuvre l’importance
scientifique et philosophique d’Isaac Newton, jouait ici avec un gripe-sous
Gripon portant un prénom juif d’usurier.
Et les deux enfants DURU vont, avec la complicité de leur mère et juste
avant l’arrivée de leur père, épouser un autre couple de jeunes gens, frère et
sœur bien sûr, issus d’une noblesse qui n’a pas de problèmes financiers et est
donc dotée. Trois couples frère-sœur et fils-fille et deux mariages. Mais
Shakespeare est allé jusqu’à quatre mariages dans une pièce (« As You Like
It » avec Hymen, dieu du mariage, venu bénir les mariages de Rosalind et
Orsino, Celia et Oliver, Phebe et Silvius, Audrey et Touchstone). Symbolique
union de la noblesse et de la bourgeoisie, rêve impossible mais Voltaire ne le
sait pas encore.
De là à dire que l’on a deux éthique qui s’affrontent, il n’y a qu’un pas
que je franchis allègrement. Voltaire défend une éthique bourgeoise de confort,
de jouissance et de spéculation plus que de travail qu’il oppose à une éthique
du travail, de la parcimonie et de l’austère gestion visant au profit maximum
de biens financiers et immobiliers. Il est très clair qu’il rejette les enfants
de ce grippe-sou dans la marge arlésienne, et l’éthique de ce fripon Gripon
hors de son entendement. Son Gripon est comme un Scrooge célèbre d’un auteur du
19ème siècle, si merveilleusement rendu par le couple antagonique
Gripsou et Picsou sur la planète Walt Disney créés respectivement en 1956 et
1947.
Vivent les nouveaux riches, mais hors de l’emprise des spéculateurs
austères, qu’ils soient calvinistes, luthériens ou juifs. Mais est-ce là un
thème encore présentable dans notre siècle connecté ?
Dr Jacques COULARDEAU
VOLTAIRE – NANINE – 1749
Voilà une pièce dont le sujet est en or mais qui est arrivé sur la scène 29
ans trop tôt, c'est-à-dire 29 ans avant « Le Mariage de Figaro » de
Beaumarchais. Il s’agit De l’amour d’un noble pour une servante du plus bas
état. Est-il concevable qu’un noble, veuf et donc d’un certain âge, tombe
amoureux d’une servante jeune et donc qui pourrait être sa fille ou presque
alors qu’il a le droit de la prendre sans même demander sa permission ?
On a alors dans tout cela la matière d’une comédie sociale qui pourrait
être gentiment satirique tout en étant amusante. Même le père soldat retiré du
service pourrait ajouter une touche patriotique à la fable délurée d’une lutte
contre justement ce droit de prendre femmes et hommes comme on l’entend quand
on est noble pourvu que la cible ne le soit pas. Beaumarchais fera de ce sujet
un chef d’œuvre immortel. Voltaire en a fait une comédie mélodramatique franchement
larmoyante.
La volonté du Comte – tient cela me rappelle quelque chose – non seulement
de prendre Nanine mais de l’épouser est tout à fait inacceptable tant pour la
noblesse que pour le tiers état. Nanine ne cesse de le répéter et le Comte ne
prouve rien avec ses déclarations humanistes imposées de par son autorité de
noble qu’il fait reconnaître comme incontournable, à laquelle tout un chacun se
doit d’obéir. Ou est l’amour dans tout cela ? Et effectivement on voir mal
comment Nanine pourrait dans un seul souffle appeler son soldat de père démuni
de tout revenu « père » et la marquise de mère du Comte son mari si
elle l’épousait « mère ».
On peut rêver mais dans ce cas on fait une pièce de science fiction. Pour
le théâtre au 18ème siècle ce n’est pas vraiment possible. Alors on
écrit un roman ou on écrit un conte de science fiction, mais on ne prétend pas
écrire une pièce comique et réaliste avec un tel sujet dramatique et totalement
irréaliste quarante ans avant la Révolution Française qui abolira ces
privilèges. Un noble peut sans déchoir entretenir une maîtresse roturière dans
une chaumière de son domaine, mais certainement pas en faire son épouse
légitime.
On comprend alors l’impression de décousu et de cousu au fil blanc que l’on
ressent scène après scène de fuite en avant dans un drame psychologique que
Voltaire n’a même pas compris vraiment. Il fait lire à cette pauvre Nanine un
livre en anglais sur l’égalité de tous les hommes. Combien de servantes même un
peu éduquée au point de savoir écrire et lire pouvaient en 1749 lire
l’anglais ?
Mais Voltaire n’en est pas à une invraisemblance près. Dans la préface il
se moque de Corneille qui dans Rodogune attribue à Rodogune, sœur de Phaartes, roi des Parthes, les vers
suivants :
« Il est des nœuds secrets, il est de
sympathies,
Dont par le doux rapport les âmes assorties
S’attachent l’une à l’autre, et se laissent piquer
Par je ne sais quoi qu’on ne peut
expliquer. » (Corneille, Rodogune, Acte I Scène 5)
en ces
termes : « De bonne foi, croirait-on que ces vers du haut comique
fussent dans la bouche d’une princesse de Parthes, qui va demander à son amant
la tête de sa mère ? » Notons d’abord que la dite Rodogune ne parle
pas à son amant à ce moment-là mais à Laonice, sœur
de Timagène, gouverneur des deux princes en question dans cette discussion
entre lesquels le cœur de Rodogune balance, et confidente de Cléopâtre. C’est
en plus de la part de Voltaire ignorer complètement la culture des gens allant
au théâtre en 1645, le public éduqué du moins en latin et qui savait
l’expression de Tertullien qu’ils ont appris à traduire à l’école ou à
l’université, expression suffisamment connue de ce public pour que Bossuet dans
son oraison funèbre du Père Bourgoing en 1662 la cite ainsi :
"La chair changera de nature, le
corps prendra un autre nom; même celui de cadavre, dit Tertullien [ca. 160-220,
Carthage], ne lui demeurera pas longtemps; il deviendra un je ne sais quoi, qui
n'a point de nom dans aucune langue"; tant il est vrai que tout meurt en
nos corps, jusqu'à ces termes funèbres par lesquels on exprimait nos malheureux
restes: Post totum illud ignobilitatis elogium, caducae carnis in originem
terram, et cadaveris nomen; et de isto quoque nomine periturae in nullum inde
jam nomen, in omnis jam vocabuli mortem. »
Si ainsi l’amour est lié à la mort,
l’amour devient tragique et cette allusion à la mort devient une préparation
sinistre à la demande de la tête de la susdite mère. Et si Voltaire avait cité
la suite de ces quatre vers il aurait alors vu la profondeur tragique de cet
amour quand Rodogune dit quelques vers plus loin concernant les deux
princes :
« Je voudrais être à lui si je n'aimais son
frère ;
Et le plus grand des maux toutefois que je crains,
C'est que mon triste sort me livre entre ses
mains. » (Acte I, Scène 5)
Il rejette sur la base de cet argument faussé le mélange des genres et ne
comprends pas que c’est une limite du théâtre classique français qui veut que
le tragique ne côtoie que du tragique, ce qui tourne l’amour en conflit
tragique chaque fois qu’il apparaît dans une tragédie des auteurs classiques
comme Corneille ou Racine, alors qu’il deviendra un élément comique dans un
auteur comme Molière. Ce refus du mélange des genres amène Voltaire à faire de
la comédie qui en devient larmoyante quand il veut ajouter à l’amour une
dimension non pas tragique mais dramatique et il se retrouve dans le
mélodramatique qui en devient pathétique bien avant son invention au 19ème
siècle, mais il est vrai assez pratiqué par Jean Jacques Rousseau et surtout en
peinture par Greuze.
Je crois qu’il aurait du méditer un peu sur cette exergue de l’oraison
funèbre de Henriette-Anne d’Angleterre de 1970 par Bossuet : « Vanitas vanitatum, dixit Ecclesiastes;
vanitas vanitatum, et omnia vanitas. » Il lui manque en théâtre le
sens de la mesure dramatique et probablement de culture. Il eût pu apprendre de
Shakespeare l’art du mélange des genres qui ne devient jamais mélodramatique, mais
qui est rarement pratiqué il est vrai au théâtre en général parce qu’il produit
des relâchements de tension qui peuvent détruire l’effet dramatique et le
suspens, bien que cela n’arrive jamais chez Shakespeare. Finalement dans cette
pièce sur ce sujet, en évitant la science fiction et le mélodramatique, Beaumarchais
va produit peu de temps après un chef d’œuvre universel, alors que cette pièce-ci
de Voltaire est désolante.
Dr Jacques COULARDEAU
ISAAC NEWTON AND JUDAISM
Date: Fri Jul 3 09:31:53 1998
Posted By: Robert Macke, Grad
student, Physics, Washington
University
Area of science: Science
History
ID: 899255273.Sh
Message:
Robert,
Alas, no, Isaac Newton was not a jew. However, you ask a
good question which requires a somewhat more elaborate answer than just 'no.'
Isaac Newton was born in Woolsthorpe, England
on December 25, 1642, and was given the name of his then-deceased father
Isaac. He was baptised into the Church
of England on January 1, 1643. However,
his early education had some very strongly Puritan influences. As well, his grammar school education in
Grantham included Biblical studies and he learned to read Hebrew.
There is strong evidence that in the early 1670's, Newton became an
Arian. (That is, a follower of the ideas
of a 4th century Alexandrian priest by the name of Arius, who believed that
Christ was not equal in stature to God the Father.) This was a heresy that he kept secret, though
he carried his beliefs with him to the grave.
At the time, he became very well versed in all of the
Biblical texts, as well as the writings of many of the more prominent
theologians, and published a number of theological papers of his own.
In the latter part of his life, Newton took an interest in ancient history.
He wrote a text entitled "Chronology of Ancient
Kingdoms," published posthumously in 1728, which used as a basic reference
the Old Testament, and supported Jewish history at the expense of all other
accounts, which he believed were exaggerated at best.
I believe the following passage best describes Newton's views toward
Judaism:
"Tracing the history of the Church back to the
earliest days of Judaism, Newton
wrote that all nations were originally of one religion based on the moral
precepts of Noah's sons. This religion was passed on to the great
Hebrew patriarchs Abraham, Isaac, and Jacob.
Moses later carried it to Israel...." [Christianson, G., In the Presence of the
Creator; Isaac Newton and His Times, The Free Press, New York, 1984, pp 566-567.]
Newton saw Judaism as the progenitor of the Christian Church, and
as such early Jews stood apart from all other ancient people. His writings give strong support to the Jews'
special place in history.
Well, I hope you find this answer as fascinating as I did.
---Bob Macke
MIT S.B. Physics 1996 in St. Louis Ph.D. candidate, Physics
January 4, 1643 – March 31, 1727
Isaac
Newton was not Jewish. Clearly. However, there are some connections: he knew
Hebrew, was very well versed in Jewish history, and considered Christianity a
derivative of Judaism.
So, we'll just slap a verdict here
and go back to writing about Duffman...
One minor problem. Should we say
"Not a Jew", or "Sadly, not a Jew"? Yes, questions like
these keep us awake at night.
On one hand, gravity, laws of
motion, the reflecting telescope, one of the smartest men ever, etc, etc, etc.
Sounds like a lock for "Sadly".
On the other hand, calculus.
Thanks for that invention, Sir Isaac. We were forced to take three semesters of
calculus in college. Those long nights struggling with double and triple
integrals are not easily forgotten. Or forgiven.
And when, in our last calculus
class ever, the professor told us that everything we'd worked so hard to learn
was not only essentially useless but could be better done by computers, well...
Verdict: Not
a Jew.
BUT
what about his father, his mother, his grandparents, etc? JC
# posted by Dr. Jacques COULARDEAU @ 3:09 PM