Friday, January 29, 2016

 

Presque parfait mais sexuellement un peu douteux

LA VIE TRÈS PRIVÉE DE MONSIEUR SIM – 2015

Il s’agit d’une comédie un peu molle mais plutôt surprenante en fonction de l’angle de vue, de la visée du spectateur. Si vous voulez de l’action, un rythme fort ? de comédie certes mais fort quand même, vous vous êtes trompé d’adresse.

Le personnage principal qui est le sujet même du film et donc de la comédie n’est pas à proprement parler comique. Il est même plutôt du bois dont on pourrait faire des portes de prison. Il est hautement dépressif après une séparation résultant de son incapacité à écouter l’autre et à se mettre au niveau de l’autre. Il ne parle que de lui et il ne juge rien autrement que par lui et en fonction de lui, non pas de ses intérêts, car il semble avoir très peu d’intérêt pour ses intérêts, mais en fonction de ce que lui penserait ou comment lui réagirait s’il était dans la situation concernée.


Il vit ainsi une psychose grave qui s’alimente du manque de communication avec d’autres, du rejet même de la communication quand elle se présente car cela limiterait son auto-expression et en conséquence du rejet par les autres du fait de cette absence de communication. C’est un cercle vicieux dont on ne peut pas sortir. Dommage. Point d’orgue et point final. Premier point de vue que l’auteur du film lentement repousse.

Le mérite du film est d’essayer de faire remonter le personnage dans son passé pour voir où les choses ont bloqué. Pour ce faire il a besoin d’interlocuteurs, au moins d’un, et il va prendre son GPS qu’il appelle Emmanuelle comme interlocutrice, et elle va d’autant mieux jouer le jeu que tout se passe dans la tête de ce pauvre Monsieur Sim. Et Emmanuelle va faire sortir le tigre de sa cage.


Pour ce faire Monsieur Sim guidé par son GPS a besoin de quelques outils et ce sont trois choses.

D’abord une nouvelle qu’il extorque à son ex-épouse en entretenant avec elle une relation internet par un chat quelconque et en se faisant passer pour une femme mariée. Enfin bref la persona parfaite. L’ex-épouse mord à l’hameçon et de confidence en confidence elle lui envoie la nouvelle qu’elle vient d’écrire et qui concerne un événement récent qui l’a amenée à rompre avec son mari, qui ne l’oublions pas est derrière la persona qu’il assume sur ce chat. Ce texte sera révélateur. La fosse aux lions du prophète Daniel.


Puis il rencontre l’oncle d’une connaissance qu’il s’est faite dans un aéroport et sur un avion. Cette jeune femme l’invite à un repas de famille pour qu’il devienne l’interlocuteur personnel, privée, intime de sa propre mère qu’on comprend veuve (bien qu’elle ne l’ait pas prévenue par avance), mais c’est en fait avec l’oncle de cette connaissance qu’il va établir un lien et celui-ci lui donnera un livre sur un navigateur solitaire anglais qui va le bouleverser dans les jours qui suivront et qui surtout va l’amener à regarder un autre cas de solitude et d’engagement non tenu parce que non tenable. Il refuse l’hypothèse du suicide car se projetant en lui il refuse d’envisager sa propre mort par transfert de celle de ce navigateur solitaire. Les transferts de Freud, ici un cas impossible. Bien vu donc, Monsieur l’auteur du film.

Enfin il récupère à Roanne un manuscrit de son père qu’il lit bien sûr. C’est un manuscrit autobiographique qui révèle les circonstances dans lesquelles il a été, lui Monsieur Sim, conçu. Pur accident conséquent à un déboire sentimental gay qu’il n’est pas capable à l’époque d’assumer d’abord et qu’il manque par la plus simple négligence, très peu de temps après.


C’est là que le film devient un peu douteux. Avec les souvenirs de Monsieur Sim adolescent, avec un rendez-vous à Saint Etienne qui tourne mal avec son grand amour d’adolescent qu’il n’a jamais réussi à réaliser, l’auteur du film nous oriente vers une espèce de transmission de l’homosexualité du père sur le fils, peut-être pas génétique mais au moins comportementale. C’est là un behaviourisme à l’américain, à la Skinner, facile qui a prouvé plus que souvent qu’il était raciste et ségrégationniste.

L’orientation sexuelle est le résultat de bien des paramètres mais elle est aussi un choix. A père gay refoulé il ne saurait y avoir fils gay refoulé. Si c’était aussi simple les pires personnes anti-mariage gay et anti-homoparentalité aurait absolument raison, et on sait parfaitement que cela est faux. On a aujourd’hui trop de cas observés, légaux ou non, d’enfants élevés par deux parents de même sexe, qu’ils soient amants ou pas, hommes ou femmes, pour qu’on puisse dire qu’il n’y a aucune transmission automatique de l’orientation sexuelle de ces parents aux enfants qu’ils élèvent. D’ailleurs de nombreuses personnes gay ou lesbiennes sont issues de familles hétérosexuelles à l’orientation claire et bien définie.


Ce film donc touche à un sujet assez poignant mais il implique une conclusion qui n’est absolument pas justifiée, pour une raison simple : l’amour n’est pas l’échange de fluides hormonaux. On peut aimer sans cela. On peut aimer avec rapports physiques. On peut aimer une personne avec ou sans rapport physique intime et avoir une pratique physique purement hormonale sans amour en dehors de cette relation. Si on devait avoir des échanges hormonaux avec toutes les personnes qu’on aime, nous n’en finirions pas, et il faudrait commencer avec ses propres parents et frères et sœurs. Les rapports physiques intimes libérés du 21ème siècle ne remettent en rien en cause l’amour qui est tellement plus que cela, et parfois n’est pas cela du tout.


Dr Jacques COULARDEAU



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