Friday, September 30, 2016

 

Dommage que l'on sache que les clichés vont dicter la fin

AUSTIN PENDLETON – JEAN-MARIE BESSET – ONCLE PAUL – THÉÂTRE DU ROND POINT – 2005

Une pièce simple, peut-être trop simple, certains dirons simpliste.

Un neveu débarque à l’improviste chez son oncle atteint du sida. Il fut un acteur qui eut du succès en son temps mais n’a laissé derrière lui qu’un vague souvenir. Il est marié mais séparé. Il a eu une vie à double orientation et en est devenu HIV positif puis atteint du sida. Il a son traitement dans quatre petites boîtes à pilules ou gélules. Son appartement de New York est un vrai capharnaüm.

Le neveu est une tornade peut être blanche mais certainement perturbante pour cet oncle en fin de vie qui se laisse aller progressivement sans presser le pas mais sans rien faire pour changer le cours des choses. On apprend que cet oncle a désiré le neveu depuis l’âge de huit ans mais qu’il a systématiquement rejeté un tel désir. Le désir pédophile d’un oncle pour un neveu est un lieu commun : les enfants violés en bas âge le sont principalement pas des membres ou des proches de la famille.


Il semble que l’agressivité du neveu vient d’un désir profondément refoulé et vocalement et bruyamment rejeté. On ne rejette que ce que l’on a un jour désiré, sinon on est indifférent. Les sentiments hostiles à l’égard de quoi que ce soit sont fondés sur une peur d’être contaminé, envahi, dominé, pris, etc., et comme qui se ressemble s’assemble, cette peur pose la possibilité que cela arrive et donc que l’on soit comme celui dont on a peur, ou que l’on devienne comme celui-là. C’est encore là un lieu commun ce qui fait que la visite à l’improviste et l’hostilité vociférante du neveu laisse entendre que la situation va se retourner tôt ou tard. Il s’agit simplement d’attendre le bon moment. C’est là un handicap pour la pièce car alors on perd un peu l’intérêt pour la situation puisqu’elle entre dans un schéma courant, mais on reste éveillé cependant car après tout l’auteur pourrait être un bon auteur et donc trouver une autre sortie.

Et c’est là que la surprise nous prend à la gorge. L’oncle rentre d’une audition manquée en banlieue de Paris pour le rôle d’Hamlet pour lequel il n’a même pas auditionné car il s’est lancé dans une diatribe sur Hamlet qui haït les femmes plus que toute autre chose, une interprétation de Hamlet gay qui s’ignore : rien de neuf sous le soleil car en ce qui me concerne j’ai enseigné cet Hamlet-là, entre autres, à l’Université de Californie à Davis en 1973-4. Le résultat pour l’acteur fut un remerciement poli. Surtout qu’un Hamlet de 55 ans est un peu difficile. Mais le théâtre permet tout. C’est donc la dépression. Le neveu est allé passer la nuit dehors, revient et s’exhibe pour prendre un bain. Il se sèche et se rhabille rapidement pour la dernière confrontation avec son oncle.


Et là la fin attendue arrive et la sauce de cette fin attendue est un peu surprenante au temps qui est le nôtre, même à New York. Le théâtre, sauf à mettre une pancarte donnant la date, ne sait pas distinguer les années 90 des années 80 ou des années 2000. Il ne le peut que par des artifices que sont la mode ou la musique. Rien de cela n’est utilisé ici et la seule musique qui entraine une danse du neveu en solitaire est une musique électro-acoustique violente digne du 21ème siècle, au moins. . .  Donc la pièce joue dans le temps présent de la représentation. On ne meurt plus du Sida comme autrefois car on a un traitement adéquat pour le contrôler si on prend le virus le plus tôt possible. On vit et meurt AVEC lui par contre et non par lui. On meurt éventuellement d’une complication.

C’est là que la fin est surprenante d’une certaine façon. Le neveu est allé se faire contaminer par une rencontre sélectionnée pour son état de santé sidéen avancé et il revient chez son oncle pour se donner en non protégé à cet oncle et partager avec lui jusqu’à la fin la maladie qui est maintenant leur maladie commune. Il y a là une morbidité à faire pleurer. L’amour permet-il cela. L’amour oui, mais s’agit-il d’amour ou plus simplement de désir ? Le neveu et l’oncle n’ont rien en commun sinon la maladie par accident pour l’oncle et par choix pour le neveu. L’oncle est un acteur qui a fini sa carrière et le neveu est un raté intégral.


Que reste-t-il après le festin quand les plats servis à cent personnes n’étaient que pour dix ? Que reste-t-il après l’acte charnel quand le désir étant satisfait l’amour doit prendre le relais, et il n’y a pas d’amour dans ce cas, car il n’y a rien de commun sinon la morbidité de la maladie. « Je t’aime parce que tu as le sida et tu m’aimes parce que j’ai le sida » semble un peu pervers et limité.

Le jeu des deux acteurs est cependant un peu trop déclamatoire jusqu’à la conversion désirante du neveu si bien que la conversion venant, le ton changeant radicalement on se demande d’où vient cet amour et une certaine tendresse entre les deux hommes, tendresse que l’on évoque dans les deux dernières minutes. Le miracle de la mort dans la vie.


Dr Jacques COULARDEAU



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