Saturday, October 29, 2016

 

L'amour a des surprises que le veuvage cache bien

MARIVAUX – LA SECONDE SURPRISE DE L’AMOUR – LUC BONDY – 2008

Marivaux mérite le dénuement car il est un théâtre purement mental et verbal. Qu’importent les accessoires car on n’en a nullement besoin. Cette pièce comme les autres développent ce dénuement qui tient presque de la nudité scénique. On se demande d’ailleurs pourquoi un chemin tortueux en gravier blanc parcourt généreusement le praticable. La tortuosité est dans la tête des personnages.

On retrouve naturellement les différences sociales de serviteurs dépendants qui font tout ce qu’ils peuvent pour obtenir les solutions qui les avantagent. Ils n’ont pas besoin de syndicats car ils savent faire leur cuisine et un syndicat ferait tout exploser, car ils invoqueraient la classe ouvrière tout entière.


Mais l’important est l’intrigue nécessairement amoureuse et celle-ci ne manque pas de mordant. Une jeune, très jeune veuve, qui plus est Marquise, veut garder son veuvage jusqu’à la mort : définitivement rien ne va plus Madame la Marquise ; une jolie chanson d’ailleurs quand tout va très bien. On comprend très vite que c’est pour elle une façon d’écarter le Comte, un vieux qui veut épouser une jeunesse, et en même temps de voir dans les plus jeunes qui peut bien faire l’affaire. Une démarche amoureuse plutôt surprenante mais on est dans un temps où les femmes doivent être précautionneuses.

Ne voilà-t-il pas que celui qu’elle remarque est dans une situation similaire. Celle qu’il aimait ayant refusé d’épouser celui que son père avait choisi pour elle a prononcé ses vœux dans un couvent quelconque. Mais pour lui une de perdue n’est pas mille de retrouvées ou même de trouvées. Il a des atomes crochus (leurs malheurs spécifiques mais similaires) avec la Marquise, mais il n’est que Chevalier. Le rang fait que la Marquise qui en plus est riche doit se prononcer la première, or elle aimerait que ce soit l’inverse, et donc que l’ordre nobiliaire soit inversé. Crime de lèse noblesse.


Alors commence une glauque et plus que maussade, ce qui la rend amusante, chasse au mariage qui demande du style, de la persévérance et surtout de l’abandon aux sentiments en un siècle où pour les nantis on ne parlait que d’affaires et de contrats de mariage. Suivez les dédales, ne vous empêtrez pas les pieds dans les rigoles et gardez vos souliers loin des ruisseaux plutôt fangeux de ce temps marivaudien qui ne connaissait pas vraiment le tout à l’égout.


Peut-être puis-je émettre une remarque sur un rythme qui aurait pu être accéléré de deux ou trois pour cent. Dans les méandres de l’intrigue il y a ici et là quelques ralentissements, voire longueurs. Mais le vélo anachronique est plus qu’amusant. Autant que ceux du Roi Ubu de la Comédie Française il y a six ans, ou les patins à roulette du même à La Villette il y a encore plus d’années.

Anachronisons gaiement et le ciel ne nous tombera pas sur la tête.


Dr Jacques COULARDEAU



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