Friday, March 31, 2017

 

Un air de famille sans trait original


BELMONDO FAMILY SEXTET – MEDITERRANEAN SOUND – 2013

Soyons donc familiaux et familiers et rencontrons le père et ses deux fils, de vrais frères, dans la musique dans laquelle les fils sont nés et ont grandi et dans laquelle ils vont nous bercer pendant une heure. On est loin d’une musique dramatique, morbide ou funéraire comme si souvent attaché à Lionel Belmondo. Ici c’est la musique douce de la Riviera, de la Côte d’Azur, une côte si paisible quand on ne voit que l’élite des villas de luxe, que le farniente de ceux qui ne travaillent pas ou que peu, la joie et la facilité de vivre dans un monde nonchalant car ceux qui peinent et suent pour que cette façade de vie facile et insouciante puisse se développer et rutiler sont bien cachés, loin de la Promenade des Anglais ou de la Croisette, loin des casinos qui pourtant ne pourraient pas vivre sans leur travail mais on ne les voit, ces pauvres hères du travail, que le matin tôt ou le soir pas trop tard quand ils vont travailler pour l’élite (et souvent très tôt) ou reviennent du travail pour cette même élite (et dans ce cas parfois très tard). Et dans certaines zones dites industrielles, les activités de ce genre sont des activités hautement supérieures en revenus et en prestige comme fabricant de torpille pour les industries de l’armement, trop souvent directement liées à l’état avec des salariés quasi-fonctionnaires de facto travaillant un gros maximum de 1200 heures par an, et parfois même bien moins, là où la moyenne des Français font 1600 heures et cela implique que certains font jusqu’à 2000 heures dans l’année.


C’est cette musique insouciante et légère que nous avons ici. C’est du jazz bien sûr mais ce n’est pas le jazz auquel je donnerai des palmes d’honneur ou des heures d’écoute car il n’apporte pas grand-chose si ce n’est le confort de l’écoute justement, le silence de l’éthique, le calme du repos perpétuel, et oui, une certaine mort de l’esprit et de la conscience. Le jazz blanc des quartiers huppés de New York ou de Chicago, des hôtels et restaurants cinq étoiles, des casinos de Las Vegas. Mais le jazz noir des quartiers populaires de la Nouvelle Orléans, de New York (et c’est de moins en moins Harlem en pleine mutation de classe supérieure), du Sud profond et du Midwest industriel est absent de ce disque. Dommage. Comme je suis prêt à donner à Jimi Hendrix du temps et de l’honneur et peu par contre aux Beach Boys, à David Bowie et peu aux Boys Bands de toutes catégories qui sont juste capables de se mesurer à des Sheila et même pas Petula Clark, à Sydney Bechet et même Dave Brubeck mais certainement pas au jazz d’ascenseur, le célèbre Elevator Jazz que l’on peut entendre et en fait subir sans dommage dans les ascensurs, bien sûr, mais aussi dans de nombreux lieux publics musicalisés, autant je suis capable de ne pas donner quoi que ce soit à ce jazz devenu une religion de la classe moyenne où ils et elles montrent leurs cravates (le Slip Français en vitrine) et leurs jupettes (lingerie fine sexy en prime).


Une exception d’une autre inspiration est l’emprunt (car toutes ces musiques sont empruntées) à Jules Massenet, « Meditation », mis en ordre jazzé, tendre, langoureux, gentil comme tout, une musique tout tout ce que l’on peut attendre pour survivre à la langueur d’une vie sans vie, une musique toutou ou pékinois pour mémé endormie et pépé assoupi. Il y a cependant un peu de dépassement car même Jules Massenet rêvait de faire de la musique pour autre chose que les salons bourgeois parisiens. Mais ce n’est pas assez pour régénérer une heure de musique qui adoucit les mœurs. Cela me rappelle un inspecteur primaire, vraiment primaire, il y a longtemps qui expliquait dans sa conférence de rentrée aux instituteurs de l’école de Sainte Foy La Grande que la musique était faite pour adoucir les sentiments des gens vers la paix, le calme et l’entente universelle, bref le méchouis passé à la moulinette pour esprits surtout pas critiques, éveillés et alertes. Une heure entière de ce discours de petit intellectuel assis dans un fauteuil de velours m’avait endormi en son temps, ce qui me valut une remarque acerbe que je n’avais pas écouté avec soin et attention.

Voilà. Dommage mais cette musique ne me remue pas les méninges, ni mêmes les hormones et me laisse plutôt froid et réservé comme si pris dans un bocal de conserve qui a vieilli sur les rayonnages de ma cave depuis plusieurs années et a perdu toute couleur dans l’obscurité et presque tout goût dans le verre, mais a vieilli, vieilli sans fin comme un vin gaulois récupéré deux mille ans plus tard, même si ce vin gaulois est plutôt romain, mais qu’importe l’ivresse pourvu qu’on ait la bouteille


Lionel Belmondo ou Stéphane Belmondo peuvent faire mieux, beaucoup mieux, surtout Lionel dans ses compositions mais ici ils ne sont que des instrumentalistes de qualité pour une musique qui n’est qu’un trip, j’allais dire une tripe, nostalgique d’une heure de musique avec papa. Notons que cela donne du jazz une image phallocrate dont j’ai horreur : le jazz est une musique d’homme qui se transmet de père en fils, et est faite pour des hommes. Je sais, on doit bien trouver une femme par ci par là, mais dieux que cela est rare aussi rare qu’une femme dans le grand conseil du Vice-Président Pence sur les droits de la femme réuni à la fin mars 2017 à la Maison Blanche : c’est clair PAS UNE SEULE. J’imagine que le jazz doit faire un peu mieux. Mais combien de femmes dans un big band classique de jazz ? A quand un big band de femmes ?

Tu rêves Jacquot ! Tu rêves debout un rêve de « gender fluidity ». Restons raisonnable, s’il te plait.


Dr. Jacques COULARDEAU



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